lundi 7 mai 2007

5. Non


4 mai — Elle a dit non, non et encore non. Elle a dit non a mes plaisanteries salées. Non à mes invites courtoises. Non à ce que l’on se voie cette fin de semaine. C’est bien drôle. J’ai en mémoire un phrase tirée d’un film américain « rien n’égale la vengeance d’une femme » (La guerre des Roses). De quelle type de vengeance serais-je victime ? Le fait de la courtiser tout en ayant des amantes ? Ce n’est pour moi qu’une courte revanche sur de longs mois de solitudes. Cela fait seulement deux semaines qu’elle revenue de son pays natal et je me sens vieilli de dix ans. Son absence épuise toutes mes énergies. Ses refus. Mais quoi ? Devrait-elle se plier à mes caprices ? Me voir plusieurs fois par semaine parce que simplement je le désire ? Et disparaître quand je serais lassé ? Et que serais-je pour imposer de telles revendications ? Non, c’est elle qui a dit non. Je dois me rendre à l’évidence. Elle me l’a répété aujourd’hui. Pas même sous forme de plaisanteries, elle n’est prête à accueillir mes avances. Parfois, je suis persuadé que ces sentiments sont à l’image du vide qui occupe ma vie de dandy pauvre. Je dois être cela, une sorte de petit dilettante des quartiers moyens. N’ayant rien d’autre à faire que de penser et d’apprécier des plaisirs simples mais de façon multiple ; aux sentiments étirés dans le temps et l’espace, aux activités répétées dix fois le jour et la nuit. En une sorte d’obsession en quête de plaisirs perdus. La compulsion à ceci d’honnête qu’elle révèle son objet. Je dois donc aimer cet objet, n’est-ce pas ? Non, dit l’ennui, simple fruit de la solitude. Mes draps sentent encore le parfum d’une amante et mes pensées tout imprégnées de ma bien-aimée. Entre les deux, mon esprit vague sur la mer des possibilités.

5 mai — Que ferais-je, que serais-je bientôt ? Au bac, je n’avais pas eu mon bac car, je ne comprenais rien aux principes et aux applications de la dérivation. Aujourd’hui je comprends, j’incarne une fonction dérivée de la société. Un impromptu futile. En d’autres temps ou lieux j’eus été décimé pour infructuosité. En publiant les présents écrits, je suis devenu l’otage de ces sentiments. Si je ne l’aimais plus ou si elle répondait favorablement à toutes mes demandes, qu’aurais-je bien à raconter ? Je me demande maintenant comment cette réflexion influera sur mes « sentiments ». Et si je l’épousais, ce serait bien la mort de l’art.

6 mai — Il faut donc que je continue de l’aimer, du moins que je m’y efforce. Rien n’est plus fictif qu’un authentique journal intime. Rien n’est plus fictionnel, en ce sens qu’il met en scène un Moi transfiguré par les exigences de la lettre et celles du genre. Tantôt nous avons encore parlé au téléphone. Nous sommes dimanche, elle avait un dîner. Elle a donc décliné mon invitation. J’ai le sentiment qu’elle n’aura plus jamais aucun temps libre pour moi. Je sais dans quelle dynamique je nous ai entraîné. Celle du déséquilibre stable, celle de l’inégalité. Il en va de même pour le monde et l’amour. Aujourd’hui, les psychologue appellent cela « dépendance affective ». C’est moins romanesque mais plus vrai. Comme toute dépendance, son terreau est le vice, la solitude, l’inoccupation, ou l’orgueil blessé. Quatre soirs de fête d’affilés, une gueule de bois permanente tout au long de la journée et des images-éclair d’elle. De ses sourires qui me font croire que le bonheur existe encore, et qu’elle serait une épouse idéale. Comme l’amour, le bonheur est une croyance. Il ne vous arrive que si vous y croyez. Il est un acte de courage car, il est plus vertueux de rire que de se plaindre, plus difficile et de vivre que de mourir. Nombriliste ce texte ? Non, phallique. Ce texte entre en érection et se rétracte de nouveau.


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